EC project "Review of Historical Seismicity in Europe" (RHISE) 1989-1993



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Jean Vogt*
* 1, rue du Docteur Woehrlin, 67000 Strasbourg-Robertsau, France.


Révision de la crise sismique rhénane de mai 1737


Plusieurs articles de ces dernières années, les uns méthodologiques, voire épistémologiques (1), les autres spécifiques, relatifs à plusieurs provinces, mais surtout au domaine rhénan (2), donnent les raisons et le contexte d'un considérable effort de révision de la sismicité historique et, d'une manière générale, de la macrosismicité de la France et de ses confins. Rappelons que cet effort résulte d'une initiative du Commissariat à l'Energie Atomique (Projet de la Carte Sismo-Tectonique de la France), qu'il s'est poursuivi au gré des circonstances, à titre personnel depuis plusieurs années et enfin, pour le domaine rhénan, pro parte dans le cadre du Projet "Sismicité historique" de la C.E.E.
Jusqu'ici, les mises au point sur les séismes rhénans portent surtout sur des événements récents (3), à quelques exceptions près (4). Désormais, l'accent est mis sur des événements notables anciens, qu'il s'agisse de séismes spécifiques ou de tremblement de terre survenus à quelque distance (5).
Pour la remarquable crise rhénane de mai 1737, il a été possible de rassembler au cours des années et surtout ces derniers temps une foule d'éléments nouveaux, au hasard des "ratissages" de sources, sans la moindre recherche spécifique, démarche dont il est permis d'attendre une foule d'autres apports. Il n'avait pas été possible de s'appesantir sur cette crise de 1737 au cours du Projet de la Carte Sismo-Tectonique de la France, mené au pas de charge. Sans doute aurait-elle fait l'objet de recherches spécifiques si un intérêt soutenu s'était manifesté pour le "bec de Lauterbourg". Au demeurant nous ignorons, pour notre part, si le programme nucléaire allemand a suscité, lui, une étude approfondie du "risque sismique" des confins Bade/Palatinat/Alsace.

Revenons en arrière. Il n'est pas inutile de rappeler que le célèbre catalogue de von Hoff ignore cette crise de 1737. Telle est sans doute l'une de raisons pour lesquelles il formule l'hypothèse d'une vaste aire asismique dans une partie du domaine rhénan: "Die nördlichen Teile des Elsasses und das Rheintal von da bis gegen Speyer und Mannheim scheinen frei von diesen Erscheinungen zu sein". Si les catalogues postérieurs consignent cette crise, les plus récents d'entre eux la maltraitent cependant, au point de décourager une analyse proprement sismologique, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes.
Que dit le catalogue départemental élaboré d'après un célèbre fichier strasbourgeois par le Professeur J. P. Rothé, au cours d'une étape initiale du Projet de la Carte Sismo-Tectonique de la France, avant la prise de conscience du besoin d'une révision approfondie de la sismicité historique de la France et de ses confins? Reprenons l'essentiel, en procédant à une mise en ordre. Il est fait état, du 11 au 18 mai 1838, de "67 secousses assez fortes et d'un grand nombre de secousses plus légères".
Sont mises en relief deux d'entre elles. Une première secousse notable survient le 11 mai, à 14h 30 "à Karlsruhe avec l'intensité V-VI, modérée à Strasbourg".
L'événement principal se produit le 18 mai à 21h 45. C'est sans doute à ce dernier que sont attribués les "dégâts aux cheminées et chutes de plâtres (intensité VI-VII) à Karlsruhe et à Rastatt". Ce séisme est aussi ressenti "à Kehl (sans dégâts) et probablement à Strasbourg".
Ces séismes sont localisés par 49° 00' N / 08° 30' E, "sur la faille de la Forêt-Noire, près de Karlsruhe".

Séduisante à première vue, cette présentation pèche cependant de trois manières. D'une part, nous échappe le déroulement de la crise, essentiel à nos yeux. En second lieu, ce n'est qu'au Sud de l'aire pléistoséiste qu'il est possible de saisir, chichement d'ailleurs, les effets à quelque distance. En particulier, il est permis de s'interroger au sujet de l'absence du moindre jalon au Nord de la Basse-Alsace et au Sud du Palatinat, où les secousses notables ont dû être ressenties avec une certaine intensité. A cette époque, l'absence de témoignages est a priori invraisemblable. Enfin, il n'est pas exclu qu'il soit fait appel "d'office", par réflexe, à la faille rhénane.

A vrai dire, cette présentation s'inspire pour l'essentiel du catalogue classique de Sieberg. Or, nous y découvrons plusieurs nuances et précisions qui ne manquent pas d'intérêt. Le 11 mai, il signale, outre Karlsruhe, avec, précisément une intensité V-VI, et Strasbourg, Landau, avec une secousse violente, Ulm et d'autres points en Souabe et enfin Bâle, avec une intensité faible. Ainsi l'aire macrosismique est-elle esquissée pro parte en même temps qu'apparaît avec plus d'acuité encore, compte tenu du repère de Landau, l'absence de données en Alsace du Nord. Le 18 mai, Sieberg signale deux secousses, à 21h 45 et 23h 45. L'accent est mis sur Rastatt, avec ces remarques, formulées par rapport à Karlsruhe: "In Rastatt waren die Wirkungen stärker, vor allem litt ... das Mauerwerk; besonders erwähnt wird ein Mauerriss im Schloß". Outre Kehl, il signale des effets lointains à Heilbronn et Esslingen, en attribuant au séisme des glissements de terrain en Souabe. Pour l'Alsace, nous restons une fois de plus sur notre faim.



Fig. 1 - Croquis d'orientation. Si la discussion de la crise de mai 1737 peut paraître touffue, sa
connaissance reste insuffisante pour esquisser aires macrosismiques et isoséistes des
évènements principaux et mineurs. En témoigne la "fixation urbaine" de la plupart des
informations. S'impose la recherche de sources rurales, condition sine qua non d'une
discussion plus serrée et d'une représentation graphique.


Habituellement, le Professeur J.P. Rothé fait grand cas des catalogues classiques de Perrey, parfois seuls utilisés, souvent repris mot à mot. Tel ne serait pas le cas pour la crise de mai 1737. Certes, le premier catalogue de Perrey est très discret à son sujet. Nous lisons: "Du 11 au 28 ... très nombreuses (secousses) à Carlswich (sic) en Souabe". Insistons cependant sur les dates: 11-28 et non pas 11-18 mai.
En revanche, son deuxième catalogue abonde en précisions, empruntées au rapport détaillé du médecin Textor, de Karlsruhe, rapport publié par Bernoulli (6). Cette source fondamentale sera d'ailleurs résumée par le catalogue classique consacré par Langenbeck à l'Alsace. Si le rapport de Textor se prête à une analyse exceptionnellement précise d'une crise complexe, nous restons cependant une fois de plus sur notre faim pour le Nord de l'Alsace.
Servons-nous du rapport de Textor comme fil d'Ariane, en ajoutant d'autres donnés, relatives en particulier au Nord de l'Alsace et au Sud du Palatinat, de manière à combler quelques lacunes. A ce stade de l'enquête, nous nous abstenons cependant de revenir à d'autres matériaux mis en oeuvre par Sieberg pour d'autres régions.

Une première secousse survient à Karlsruhe le 11 mai, vers 3h 3/4 avec un bruit semblable à celui que feraient plusieurs voitures. C'est un précurseur de la secousse majeure de ce jour, à 14h 1/2, secousse précédée d'un bruit semblable au tonnerre ou à un coup de canon. Les oscillations se succèdent au cours de deux minutes. D'après Textor, Perrey et Langenbeck nous apprennent que les bâtiments sont fortement ébranlés, que des tableaux et des vases tombent. A vrai dire, ils ne reprennent qu'une partie des indications de Textor. Ainsi ce dernier signale-t-il à Karlsruhe l'oscillation notable d'une tour. Après avoir évoqué l'ébranlement des maisons et de menus effets il ajoute, à part: "camini concussi sunt", verbe qu'il vient d'utiliser pour le bâtiment. Sans doute s'agit-il de dislocations de cheminées, auquel cas l'intensité V-VI serait légèrement sous-estimée, sans préjuger, certes, de l'intensité épicentrale.
Quoiqu'il en soit, cette secousse est largement ressentie dans le Sud du Palatinat et le Nord de l'Alsace. A cet égard, nous disposons de quatre témoignages précis dont deux, perdus de vue, ont été redécouverts et dont les autres sont le fruit de recherches récentes. D'abord, l'événement est signalé à Lauterbourg, à 15h, avec la durée d'un Pater. Une cloche tinte (7). Encore que l'indication d'heure fasse défaut, telle est certainement la secousse signalée à Wissembourg en ces termes: "... ein solches Erdbeben, daß man gemeint hat, die Häuser fallen um und ist jedermann sehr erschrocken" (8). Au temple de Bergzabern, une panique se produit lors d'un service funéraire: "... die Weiber, die in navi sacelli mortuarii sassen meinten, die mit Männern angefüllte (Em)porkirch fiele auf sie herab und liefen in großem Schrecken hinaus" (9).
Dans ce domaine occidental il est donc possible d'admettre des intensités de l'ordre de ³ V, c'est-à-dire voisines de celle que les catalogues admettent dans l'aire présumée épicentrale, ce qui suscite une interrogation. A Haguenau la même secousse est signalée à 14h, sans plus (10). Il reste à préciser l'aire macrosismique à l'Ouest.

Au Sud de Karlsruhe, les repères sont jusqu'ici clairsemés. Dans l'aire pléistoséiste, il convient de mettre l'accent sur Rastatt, où la secousse serait, selon Textor, plus forte: "Verumtamen postea edocti susmus, hinc Terrae motum Rastadti ... multo fuisse violentiorum".
Si le catalogue de Langenbeck reprend cette indication les catalogues postérieurs s'en abstiennent, en ne faisant état de Rastatt qu'à propos de l'activité du 18 mai, explicitement ou implicitement. Aussi bien ne disposions-nous pour les dégâts survenus à Rastatt que d'échos globaux. Fort à propos, cette lacune est comblée par la chronique des Franciscains de Rastatt, chronique qui nous avait échappé. Nous lisons: "... wurde nach 2 Uhr mittags im Zeitraum eines Vaterunsers solch ein heftiger Erdtoss verspürt, daß überall Zerstörungen, besonders an Kaminen, festgestellt wurden" (11).
A l'intensité maximale connue, V-VI, il convient donc de substituer pour le moins VI-VII, sans préjuger répétons-le, de l'intensité épicentrale.

Au-delà, il est fait état de Strasbourg. C'est à la propre enquête de Bernoulli, à la suite du rapport de Textor, qu'est dû ce repère ("Ad praecedentes litteras et narrationem Dni. Textoris Responso"). A ce sujet, nous ne disposons jusqu'ici d'aucun écho local. C'est à Bernoulli aussi qu'est dû l'ultime repère, bâlois, proche de la limite de l'aire macrosismique: "... hora tertia pomeridiana, secondum nostrum numerandi modum ... tam debilis fuit, ut paucissimi homines ... anima verterint vel senserint ...". Admettons une intensité de l'ordre de II/III.
D'une manière remarquable sont évoquées par plusieurs sources des répliques. Textor en signale deux à Karlsruhe, à 22h et à minuit. Le tableau est cependant plus étoffé à Rastatt et à Lauterbourg, où des répliques surviennent non seulement au cours de la soirée, mais aussi dans l'après-midi. A Lauterbourg, nous lisons: "... fuit repetitus hora quarta, verum non tamen vehemens erat, sub vesperum hora octava et medio none ..." (7). A Rastatt: "Im Verlauf des Tages und der Nacht ereigneten sich leichtere Beben" (11), A Bergzabern, seules sont signalées les répliques de la nuit, sans autre précision: "Dieses Erdbeben ward in der Nacht etliche Mal . . . repetiert" (11). Pour la nuit, la source de Lauterbourg est tout aussi imprécise: "... per noctem aliquoties repetitur" (7).
Il est cependant permis de penser que ces répliques correspondent pro parte à celles qui sont ressenties à Karlsruhe. Quoiqu'il en soit, les témoignages relatifs à Rastatt et à Lauterbourg, pour les répliques survenues de jour, posent une fois de plus le problème de la localisation des épicentres, sans exclure des migrations.

A vrai dire, les précédentes informations préjugent de la discussion des événement du 12 mai. Sans doute portent-elles en partie sur la secousse notable survenue vers le matin. Si le catalogue de Langenbeck en fait état, d'après Textor, d'autres gardent le silence. Il ne s'agit cependant pas d'un événement banal, parmi tant d'autres, au cours d'une longue crise. C'est à dessein que nous écrivons "vers le matin". En effet, l'heure donnée à Karlsruhe, 3h 3/4, pourrait résulter d'une erreur de typographie, dès lors que nous disposons ailleurs d'indications d'heure cohérentes qui ne peuvent que s'appliquer à la même secousse. Tel cest le cas à Lauterbourg: "... hora quinta tellus fortiter interum concussa fuit ... " (7), à Rastatt: "Am nächsten Morgen um halb 6 Uhr etwa wiederholte sich der schreckliche Stoss ..." (11).
Telle est aussi l'heure donnée approximativement à Haguenau (10). A Rastatt, cette secousse provoque quelques dégâts: "... kein Haus ... ohne Risse war. In der Franziskanerkirche wurden zwei kleinere Zinnpfeifen der Orgel auf den Boden geschleudert " (11). S'il convient certes d'envisager un effet de cumul, il est permis de mettre en doute l'intensité V proposée par le récent listing de la sismicité allemande (12). Ce doute est conforté par l'extension de l'aire macrosismique, du même ordre que celle du séisme de la veille. C'est à propos de Strasbourg que Bernoulli écrit globalement, pour les deux événement: "Argentorate mihi scriptum est, eadem binas concussiones ibi paulo majore impetu vim suam exeruisse".
Une fois de plus, Bâle fait figure d'ultime repère méridional: "... hora quinta matutina ... aliquantuum fortior fuirit priore".

A propos de répliques possibles, la source de Lauterbourg nous réserve une fois de plus une surprise, en nous faisant connaître une succession de deux secousses au milieu de la journée du 12 mai: "... interumque medio prime post meridiem bis sed tantum leviter" (7). "Répliques possible", écrivons-nous. En effet, le vent qui souffle ce jour peut être source de confusion. Textor ne dit-il pas: "Toto die quemvis ventorum impetum comitabatur concussio notabilis, praeter tremorem perpetuum"?
Le 13 mai surviennent trois secousses. La première, à 15h 3/4, retient particulièrement l'attention. Outre Karlsruhe, nous disposons des repères de Rastatt: "Als man ... gerade im Chor die Vesper betete, bebte die Erde wieder, aber ohne Schaden ..." (11); Lauterbourg: " ... hora tertia non leviter terra fuit commota" (7); Bergzabern et Haguenau. Perrey écrit: "fort bruit souterrain venant de l'Ouest et secousse violente à Karlsruhe". A vrai dire, il traduit mal Textor: "... sensimus ab occidente vehementen fragorem subterraneum et vehementen terrae motum".
C'est de l'Ouest que viendrait la secousse. Certes, de telles indications sont peu fiables, mais dans le cas présent cette allusion à l'Ouest est susceptible de s'ajouter aux précédentes interrogations, non pas à propos de discrètes répliques, mais d'une secousse de quelque importance, compte tenu de son "enveloppe". Il se trouve que le curé de Lauterbourg est le seul à signaler une réplique au cours de la nuit suivante: "... post media noctis hora tertia terrae motus iterum fuit auditus ...". Il fait d'ailleurs le point en ces termes: "... ab hominum memoria terra motus tot vicibus repetitus non scitur nihil tamen ... damni hic terrarum fuit illatum" (7).
Passons sur l'activité incessante des jours suivants, avec une foule de secousses minutieusement consignées par Textor à Karlsruhe, sans autres repères jusqu'ici, pour insister sur les événements majeurs des 18 et 19 mai, au cours de la nuit.
Cette activité sismique est parfois évoquée globalement. A Rastatt trois secousse sont ressenties en six heures. A Bergzabern et Wissembourg sont signalées respectivement quatre et trois secousses. A Karlsruhe, il est fait grand cas d'une secousse qui, à 21h 3/4, au cours de plusieurs minutes, secoue les maisons en provoquant la frayeur. Elle serait, nous dit-on, d'une intensité supérieure à celle du 11 mai, sans qu'il soit cependant question de dégâts d'une manière explicite. De Lauterbourg vient un écho du même ordre: "... terra cum omnium terrore fortiter fuit concussa ... " (7). En outre, nous la tenons à Haguenau.
Deux secousses surviennent vers minuit. Elles provoquent la chute de tuiles à Lauterbourg. Par rapport à la précédente, le curé écrit: "... motus eadem vehementia sub media noctis reiterabatur ita ut tegulae et tectis deciderint".
Telle serait la raison de l'achat de milliers de tuiles pour l'église et les bâtiments municipaux, d'après les comptes municipaux (13). A Wissembourg, c'est certainement à la même secousse qu'est dû le bris de vitres: "Die Häuser zitterten, Fensterscheiben zersprangen" (8).
Pour Karlsruhe, Textor apporte une foule de détails: "Impetus horae 12 noctis praeteritae concutiebat speculam excubitoris ante arcem. Impetus vero immediate sequens excubitorem, e specula hacce metu ruinae exsilientem, in terram prosternabat, ita ut semianimis ad contubernales deportaretur. Specula, licet satis ponderosa, corruebat, ita ut plures asseres e tecto deciderent".
En outre, Textor tient des propos globaux pour cette nuit: "didicimus aliquos caminos nocte praeterita damnum et quosdam parietes cratitios, ligno et lapidibus interpositis confectos et calce illitos, solvi coepisse".
Ainsi est-il possible d'admettre une intensité ³ VI. Il n'apparaît pas clairement si les propos suivants se rapportent au même événement ou présentent un caractère global: "Excubiae Portae Linkhemiensis et Durlacensis in parie-projeciebantur". Quoiqu'il en soit, le contexte architectural conduit à faire preuve de prudence pour l'appréciation de l'intensité. En effet, Karlsruhe vient d'être construite d'une manière bien sommaire: maisons basses avec ossature en poutres et panneaux de briques, ce qui est aussi le cas du château, à l'exception de la tour, sans doute celle dont parle Textor (14). Compte tenu des effets à Lauterbourg, avec une intensité de l'ordre de VI, se pose une fois de plus le problème de l'épicentre.

L'activité se poursuit le 19 mai, en particulier vers 4h, avec plusieurs repères: outre Karlsruhe, Lauterbourg: "... circa horam quartam motus terrae perceptus fuit", et Haguenau, une fois de plus. D'autres répliques sont consignées en détail à Karlsruhe. L'une d'elles est signalée à Lauterbourg "circa horam primam" (7).
Encore que se pose un problème de date, nuit du 19/20 (Spire) ou du 20/21 mai (Karlsruhe), deux séismes, à 20h 1/2 et à 2h, présentent un intérêt particulier dès lors qu'ils sont ressentis tant à Karlsruhe qu'à Spire, qui apparaît pour la première fois, en comblant quelque peu un déficit de renseignements au Nord.
Si Textor n'établit pas une hiérarchie, la source de Spire met l'accent sur la première secousse, semble-t-il: "... um halb zehn Uhr ein ziemlich starkes Erdbeben, welches fast eine Minute gedauert, wo es verspüret worden, welches sich auch ... um 2 Uhr abermalen geäussert" (15).
Il est vrai que son intensité est faible, dès lors qu'elle n'est pas ressentie d'une manière générale. A Karlsruhe les propos de Textor, "tremorem cum trepidatione" et "terra motum cum trepidatione et titubatione" ne se prêtent pas à une appréciation d'intensité.
Le curé de Lauterbourg se manifeste le 21 en signalant une secousse "...vesperi circa horam novam ..." (7) dont Textor, lui, ne parle pas.
L'activité se poursuit les 22, 24, 25, 26, 27 et 28 mai. Si nous ne disposons d'informations que pour Karlsruhe, plusieurs de ces répliques ne seraient pas négligeables. Ainsi certains sont-ils pris de frayeur lors d'une agitation qui dure quatre minutes le 22, vers 22h 3/4: "... ita ut ninnulli hanc ob rem e domibus voluerint augugere".
d'ailleurs le pluriel Erdbebungen: "... von dem hochfürstlichen Corps de Logis ... als ... desselben Hofpfarrkirchen wegen denen durch die Erdbebungen bei beiden Gebäuen causierten Zertrümmerung und Spaltungen". C'est pour l'église que sont donné des détails: Propos global aussi à Ettlingen où le collège des Jésuites est lézardé en mai, san autre précision: "... Im Monat Mai gab es ein so heftiges Erdbeben, Ainsi fournit-il une foule de renseignements d'un intérêt proprement sismologique. A plusieurs reprises est indiquée la direction des bruits et des secousse. Apparaissent l'Ouest, le 13 mai, le Sud-Ouest, le 20, le Sud-Est, le 19, à trois reprises, avec un bel ensemble. En outre, il est question de secousses verticales, le 18, le 26, le 27. Ces indications, toujours sujettes à caution, appellent certes des contre-épreuves. A plusieurs reprises est esquissé le déroulement des secousses. A propos de celles du 15, à 15h 3/4, nous lisons: "vehementen terrae motum ... et subsequente titubatione tria minuta durante", du 19, à 6h 3/4: "... duas concussiones terribles se invicem excipintes. Deinde, minuto sequente, tertiam 21h 3/4; le 15 (?), à 8h 20; le 28, à 2h. Au cours de laps de temps plus importants est parfois signalé le nombre de secousses, quatre le 22, entre 1h et 3h; cinq-six le 16, entre 5h et 6h 1/4. Plus souvent est indiquée leur répétition, sans autre précision, le 16, vers 4h jusqu'au-delà de 5h, le 17, entre 5h et 6h; le 18, aux même heures et entre 10h et 11h et 12h et 13h. Sans doute lassé par le nombre de secousses, il lui arrive de les évoquer globalement pour plusieurs jours, par exemple à la suite des événements du 15 mai: "Tremorem debilem qui a 12 hujus mensis die constanter duravit sont situés par rapport aux secousses. Sont aussi signalés former le souhait d'une édition critique. Si Textor ne parle guère de hommes, il n'est pas inutile d'ajouter quelques notations. Nous trouvons trace de prières, parfois édictées avec beaucoup de retard(19). Et n'oublions pas l'édification sur la place du marché de Rastatt d'une statue de Saint-Alexis, saint protecteur, "um Abwendung der entsetzlichen Erdbeben", statue dont on déplore il est vrai le coût (20).
et moderne, pour une meilleure compréhension de l'une et de l'autre de ses effets à Lauterbourg. Certes, vient d'abord à l'esprit le célèbre séisme de Rastatt, en 1933 (21), mais il en est d'autres qui nous conduisent précisément vers l'Ouest: modeste tremblement de terre du 28 septembre 1887, mal connu, parfois perdu comme celle de la secousse plus modeste du lendemain matin. Au demeurant, l'écart entre les intensités de ces deux événements, V/VI et V, écart consacré par un récent listing (12), peut lui aussi paraître discutable. En revanche, le degrè VII proposé par le même listing consécrateur pour la secousse du 18 mai à 21h 3/4 serait excessif, une confusion avec une autre défaut d'aires macrosismiques, de plusieurs secousses notables, en particulier vers l'Ouest. A ce propos, la comparaison des deux secousses consignées à Bâle, le soir du 11 et le matin du 12, serait particulièrement instructive d'un point de vue proprement sismologique. Mais il reste beaucoup à faire, en particulier pour saisir les limites de l'aire macrosismique au Nord et à l'Ouest et pour multiplier les repères intermédiaires au Sud, sans parler de l'Est, écarté de la présente discussion. Sans doute convient-il de rechercher en priorité des sources rurales, certes dispersées, mais combien instructives, comme d'autres révisions entreprises dans le même domaine ne cessent de le montrer.
revision of the macroseismicity of Rhine-graben area. In: Kozak, J. (Editor), Proc. 3rd ESC Workshop on "Historical Earthquakes in Europe", Liblice by 5) Ainsi le mémorable crise rhénane de 1728 fera-t-elle l'objet d'une publication.
6) De Terrae Motibus Carolo-Hesychii factis, Epistola Dni. Textori ad Dnum. Bernoullium. In: Johannis Bernoulli ... Opera Omnia ..., t.4, Lausanne et Genève, 1742. Cette lettre est suivie de commentaires par Bernoulli. Cette référence ne sera plus citée par la suite.
7) Registres paroissiaux de Lauterbourg (Archives du Bas-Rhin 3 E 261/3), source de qualité exceptionnelle signalée à plusieurs reprises à titre d'exemple.
8) D'après une chronique wissembourgeoise mise en oeuvre par la "Weissenburger Zeitung", à l'occasion d'un séisme moderne, et utilisée par H. Lentz, 1905, Die süddeutschen Erdbeben im Frühjahr 1903, Verh. des Naturwissenschaftlichen Vereins in Karlsruhe.
9) K.C.L. Maurer, 1888, Geschichte der Stadt Bergzabern, Bergzabern.
10) Bibliothèque municipale de Haguenau, Annales franciscaines (ms.)
11) H. Steigelmann, 1956, Rastatt-Franziskaner Observantenkloster. In: Alemania Franciscana Antiqua, t. I, Ulm. L'original n'a pas été consulté.
12) G. Leydecker, 1986, Erdbebenkatalog für die Bundesrepublik Deutschland mit Randgebieten für die Jahre 1000-1981, Geologisches Jahrbuch, Reihe E, Geophysik, 36. Pour la crise mai 1737, ce listing reprend J. P. Rothé, G. Schneider, 1968, Catalogue des tremblements de terre du Fossé rhénan.
13) Archives municipales Lauterbourg, Comptes (dépôt aux Archives du Bas-Rhin).
14) Fr. von Weech, 1893, Karlsruhe, Geschichte der Stadt und Verwaltung, Karlsruhe. Une illustration de ce type de bâtiment est donné par K.G. Fecht, 1887, Geschichte der Haupt-und Residenzstadt Karlsruhe, Karlsruhe.

15) F. Klotz, 1962, Erdbeben im 18. Jhdt. in Speyer, Pfälzer Heimat.
16) Badisches Generallandesarchiv 220/623, source aimablement communiquée par les Archives municipales de Rastatt, et 220/623. La médiocrité de la construction est soulignée par Burgen und Schlößer Mittelbadens, Die Ortenau, 1934.
17) A. Kast, 1934, Die Jahresberichte des Ettlinger Jesuitenkollegs, 1661-1769. Il n'a pas été possible de consulter l'original.
18) Par exemple à Noerdlingen (Archives municipales, Chronique Rollwagen) et Kirchheim unter Teck (M.J.A.W., 1756, Chronika oder Sammlung alter und neuer Nachrichten von denen merkwürdigen Erdbeben ..., Francfort).
19) Registres paroissiaux de Knielingen (Evangelisches Landeskirchenarchiv, Karlsruhe).
20) Badisches Generallandesarchiv 220/624.
21) A ce sujet, voir en dernier lieu J. Vogt, 1986, Les effets du séisme de Rastatt, 8 février 1933 en Outre-Forêt, L'Outre Forêt, 55-57.
22) A ce sujet, voir en dernier lieu J. Vogt, 1986, Un séisme mal connu: le tremblement de terre rhénan, du 18 septembre 1887, L'Outre-Forêt, 54-56.
23) Cette crise fera l'objet d'une mise au point dans "L'Outre Forêt". Ajoutons qu'au début du siècle, Botzong écrit, à propos de la crise de 1903 dans le Sud du Palatinat: "... es scheint mir ... der Schluss berechtigt, dass die Karlsruher und die Südostpfälzer Erdbeben genetisch zusammengehören ..." (C. Botzong, 1912, Über die Erdbeben Südwestdeutschlands, insbesondere über die der Rheinpfalz, Pfälzer Heimatkunde).


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